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OuLiPo et 'Pataphysique
La quarantaine à Carentan La naissance de l’OuLiPo a été
décrite et commentée par de nombreux auteurs . Cela s’est
passé, conviennent-ils tous, en deux étapes : la décision
de principe, prise au cours d’une décade consacrée
à Raymond Queneau, à Cerisy-La-Salle, pas très loin
de Carentan, en septembre 1960, et la réunion inaugurale qui se
tint le 25 novembre suivant – il y aura donc bientôt quarante
ans – dans le sous-sol du restaurant « Le Vrai Gascon »,
82 rue du Bac (75007). Il y aura dix membres fondateurs : Noël Arnaud,
Jacques Bens, Claude Berge, Jacques Duchateau, Latis, Jean Lescure, François
Le Lionnais, Raymond Queneau, Jean Queval et Albert-Marie Schmidt . Tout
comme Queneau, Arnaud et Latis étaient déjà des membres
actifs du Collège de 'Pataphysique fondé en 1948 par Sainmont
(l’un des nombreux hétéronymes de Latis) et animé
par lui . Le problème des relations entre l’OuLiPo (à
l’origine Séminaire de Littérature Expérimentale)
et le Collège fut donc posé dès le début ainsi
qu’en témoignent les premiers compte-rendus . C’est
ainsi que la circulaire n°2 (séance du 22 décembre 1960)
précise : « L’OliPo est intégré à
la Sous-Commission des Epiphanies et Ithyphanies, elle-même incluse
dans la Commission des Imprévisibles ». Lors de la séance
suivante (13 janvier 1961) Latis propose de substituer Oulipo à
Olipo et Noël Arnaud demande que le rattachement au Collège
se fasse dans le cadre de la sous-commission de l’Acrote. Dès
la réunion du 17 avril 1961 (cf. circulaire n°6) le président
de séance, Raymond Queneau, annonce la mise en chantier d’un
Dossier du Collège consacré à l’Oulipo (c’est
au cours de cette séance qu’il définira les oulipiens
comme des « rats qui ont à construire le labyrinthe dont
ils se proposent de sortir »).
La première vague des "non-fondateurs"
(1966-1973) comprend Jacques Roubaud, Georges Perec, Marcel Benabou, Luc
Etienne et Paul Fournel. Précédée par l’élection
de Marcel Duchamp (1962), elle s’achève avec celle d’Italo
Calvino et Harry Mathews (1972), puis la mort de Latis (1973), l’élection
de Michèle Métail (1974) et l’occultation du Collège
(1975) . C’est pendant cette période que l’Oulipo sort
de la clandestinité depuis les entretiens radiophoniques de Raymond
Queneau avec Georges Charbonnier (1962) jusqu’à la publication
de La littérature potentielle (1973). Le numéro 27-28 des
Subsidia Pataphysica (et dernier de cette série) constitue l’index
des publications de cette série et des précédentes
(Cahiers et Dossiers). La plupart des oulipiens y sont cités, mais
très modestement (et réciproquement le Compendium de Mathews,
qui est organisé comme un lexique, ne comprend pas d’entrée
à Pataphysics).
C’est en 1962 que, sur proposition de Simon
Watson-Taylor S., Marcel Duchamp, Satrape du Collège depuis 1952,
fut coopté à l’OuLiPo . Duchamp, Queneau et Le Lionnais
avaient en commun une passion et un talent certains pour le jeu des échecs.
L’œuvre de Duchamp (dont l’actualité ne se dément
pas) abolit les frontières disciplinaires : peinture, sculpture,
poésie, mathématique, linguistique, musique et même
ingénierie y sont alternativement – ou simultanément
– mis en jeu. Comme Duchamp, Le Lionnais avait été
fasciné par Raymond Roussel et ses prodigieuses machines où
tant de potentialités surgissaient. Il conçut donc le projet
d’une généralisation d’activités semblables
à celles de l’OuLiPo et leur donna le nom général
d’Ou-X-Po. Il y eut l’OuLiPoPo (littérature policière),
l’éphémère OuMathPo (avec la participation
de mathématiciens comme Stanislaw Ulam, Georges Kreisel, Gian-Carlo
Rota et les oulipiens Claude Berge, Jacques Roubaud et l’auteur
de ces lignes). Il y eut aussi les deux versions successives de l’OuPeinPo,
les trois formes de l’OuMuPo, puis l’OuBaPo (bande dessinée),
l’OuCuiPo (cuisine), l’OuPhoPo, l’OuTraPo (tragi-comédie),
etc. .
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Paul Braffort © 2002 |