Littératures / Critique et analyses |
Philippe du Puy de Clinchamps le traducteur inexistant et les vicomtes pourfendus
Avant-Propos Toute littérature est, en un sens, mystification. Le mot "représentation", dans l'art ou dans la science - tout comme le mot "réplique" en peinture - évoque le théâtre, voire le mensonge. Et même lorsqu'une telle représentation se pique d'être "fidèle", elle implique l'intervention d'un ou plusieurs auteurs et parfois d'un ou plusieurs traducteurs et préfaciers. Il s'interpose ainsi, entre la réalité et la fiction, un certain nombre d'intermédiaires qui peuvent être des imposteurs voire des faussaires et dont la fiabilité peut donc être contestée. Parmi les éléments d'information qui sont fournis au lecteur pour obtenir de sa part cette fameuse "willingful suspension of disbelief" dont parlait Coleridge, les noms d'auteur(s) et de traducteur(s) jouent évidemment un rôle essentiel que complètent d'autres constituants du "péritexte"(un terme que je préfère à celui de "paratexte"). Bien des artistes ont, sur ce point précis de l'autorité (au sens de la bibliothéconomie), pratiqué l'art du mentir vrai, au point d'en faire un véritable genre littéraire. Leurs motivations ont été les plus diverses : politiques, esthétiques ou éthiques, mais le roman policier a été un domaine de prédilection des écrivains qui "s'avancent masqués" et la virtuosité s'y est souvent manifestée avec brio. L'école des faux-monnayeurs La littérature française moderne et contemporaine est riche en exemples de practical jokes de cette nature. On songe évidemment à André Walter, derrière qui André Gide se dissimulait en 1891 et 1892 [1] , et à A. O. Barnabooth [2] , truchement de Valéry Larbaud en 1908 (truchement qu'il abandonna dès 1913). Avec Barnabooth nous sommes en présence de deux types supplémentaires de dissimulation : on sous-entend que l'auteur n'est pas francophone et on introduit un biographe « X. M. Tournier de Zamble », bien sûr inexistant. Les Editions du Scorpion dirigées par Jean d'Halluin ont offert aux lecteurs des années quarante des supercheries qui sont demeurées célèbres et font jouer un rôle accru au supposé traducteur (qui peut être un être "réel" ou, à son tour, supposé) : Vernon Sullivan [3] , traduit par Boris Vian, et Sally Mara [4] , présentée et traduite par l'imaginaire Michel Presle (qui dissimule le très réel Raymond Queneau). Les exemples ne manquent pas où un auteur supposé est invoqué à l'occasion de la publication d'une ouvre littéraire en tant qu'auteur au sens propre, préfacier, commentateur ou traducteur. Certains écrivains ont multiplié les hétéronymes ; Pessoa est le plus célèbre, mais, depuis la "désoccultation" du Collège de Pataphysique, on connaît la brigade des Irénée-Louis Sandomir, Mélanie Le Plumet, Oktav Votka, J.H. Sainmont, Latis, etc.. [5] Nous les retrouverons plus loin. Certains auteurs ont plutôt
joué sur une combinaison d'intervenants supposés : c'est le cas
de Larbaud et de Queneau. Une analyse serrée des diverses situations
possibles et une précieuse anthologie de leurs occurrences effectives
nous sont offertes dans l'ouvrage de Jean-François Jeandillou :
Supercheries littéraires. La vie et l'ouvre des auteurs supposés
[6] .
F1 :
On a tué pendant l'escale
(Es regnete), traduit de l'allemand par Philippe Géry, publié comme
n° 2 de la collection La mauvaise chance,
1945.
Notice BNF n° FRBNF35210924 F2: L'homme m'a raconté (Also sprach der Mann), traduit de l'allemand par Philippe Géry, publié comme n° 9 de la collection La mauvaise chance, 1945. Notice BNF n° FRBNF32090827 F3 : Nous, les assassins (Ich und mancher Kamerad), traduit de l'allemand par Philippe Géry, publié comme n° 18 de la collection La mauvaise chance, 1947. Notice BNF n° FRBNF32090828 F4 : Les corbeaux croassent sur la ville (Wenn die Kraechen shrein), traduit de l'allemand par Philippe Géry, publié comme n° 21 de la collection La mauvaise chance, 1947. Notice BNF n° FRBNF32090826 F5 : Des pendus de peu d'importance (Einer und jeder Mann), traduit de l'allemand par Philippe Géry, publié comme n° 32 de la collection La mauvaise chance, 1948. Notice BNF n° FRBNF32090830 Bien que l'action de ces romans se situe dans des décors et avec des personnages
fort différents, on ne peut qu'être frappé par la grande unité de
ton et de style qu'ils manifestent. Elle est d'ailleurs revendiquée
dès (F1) dans un avant-propos signé "La mauvaise chance" qui souligne que « certaines phrases répétées au cours du récit comme un
refrain, un écho, contribuent à donner à celui-ci quelque chose de
permanent, au delà de l'accidentel » et déclare : « Tel
quel, et sans louer un ouvrage qu'on présente au public avec confiance,
On a tué pendant l'escale reste une intéressante tentative
pour renouveler le roman policier. » « Le récit qu'on va lire est-il encore un roman policier ? Sans doute. Mais il atteint aussi un but plus lointain que la solution du problème posé par la mort de quelqu'un. [.] Enfin, ainsi que dans un premier roman du même auteur déjà publié dans cette même collection, on remarquera la répétition, presque systématiques [sic], comme celle d'un motif dans une chanson, de certaines phrases, de certains mots. » Le quatrième roman, Les corbeaux croassent sur la ville (F4), débute aussi par une longue adresse au lecteur, signée ici La mauvaise chance, où l'on peut lire notamment : « Indiscutablement, le roman policier est en train de subir une évolution. Lentement, son centre d'intérêt s'est déplacé d'un comment d'un crime au pourquoi et au qui de ce crime [.] Il semble que l'ouvre de F.-R. Falk s'appuie sur deux lignes de force : la conviction de l'infamie de la société, et une conviction semblable de l'irréductibilité du destin. [.] La société est un crime en soi. Elle écrase l'homme, l'oblige à des rites dégradants. Donc toute révolte contre la société est bonne. Le crime est la plus évidente de ces rébellions. [.] Révolte contre un monde ignominieux et vanité de cette révolte, tels sont donc les fondements pessimistes de la philosophie de F.-R. Falk. On peut les discuter. Mais il faut reconnaître qu'ils prennent dans l'ouvre du romancier autrichien, une force souvent convaincante. Et qui donne à cette ouvre des prolongements et des retentissements qui dépassent le cadre du roman policier classique - mais qui sont dans le cadre de ce que La mauvaise chance croît [sic] être le roman policier tout court. » Le cinquième et dernier roman de la série, Des pendus de peu d'importance (F5), présente des caractéristiques péritextuelles un peu différentes : une dédicace « A lord Enssely » datée « Pointe-Alègre, 1941 », suivie d'une note : « La Collection la mauvaise chance s'excuse des renvois assez nombreux qui figurent en bas de page, principalement dans les premiers chapitres de ce roman. » En particulier, le chapitre I, intitulé Les vagabonds, contient une note de bas de page : « (1). - Ce court chapitre, on a pu le remarquer, est fait, à très peu près, de différents passages d'un précédent roman de F.R. Falk, Also sprach der Mann, publié dans cette collection sous le titre L'homme m'a raconté. Au demeurant on retrouvera dans Des pendus de peu d'importance, mais en silhouette, le personnage de Peterlein qui figurait déjà dans ce dernier roman. On sait que ces correspondances sont familières à F.R. Falk. (N. du T.). » Le lecteur attentif aura remarqué que "Pointe-Alègre" ne peut avoir pour référence qu'une "ville-valise" construite par composition de la congolaise Pointe-Noire et de la brésilienne Porto Alegre. Du coup, il sera peut-être tenté de vérifier l'authenticité des autres noms propres qui apparaissent dans le péritexte : - l'introduction éditoriale (signée La
mauvaise chance)
de F1, introduction qui débute comme suit : « Le manuscrit
de cet ouvrage qui portait le titre Es regnete (Il pleuvait.)
fut remis à M. Philippe Géry, à New-York, en 1938. C'est dans cette
ville, en effet, que s'était réfugié F.-R. Falk aussitôt après le
rattachement de son pays à l'Allemagne. » L'identité germanophone de F.-R. Falk est d'ailleurs attestée à plusieurs reprises : · par les titres originaux allemands (donnés dans les
avant-textes pour F1, F2 et F3, mais sous
le titre français pour F4 et F5) Le "traducteur" (et préfacier) Philippe Géry semble donc connaître personnellement l'auteur des cinq romans. Ne serait-il pas possible qu'il soit Franz-Rudolph Falk lui-même, qu'il se dissimule sous ce pseudonyme ? Nous appuyant sur d'évidentes analogies, nous pouvons imaginer aisément que Falk joue, pour Philippe Géry, le rôle que Vernon Sullivan a joué pour Boris Vian et n'être que le pseudonyme étranger (autrichien pour le premier, américain pour le second) d'un auteur français. A la publication d'ouvres de ces auteurs supposés s'ajoute alors la mystification de traducteurs également supposés, donc de traductions fictives (mais Vian poussera le souci de la vraisemblance jusqu'à produire et publier une "version originale" de J'irai cracher sur vos tombes). Philippe Géry ou la mauvaise chance Il est clair en tous cas que le destin de Philippe Géry est étroitement associé à celui de cette remarquable collection que fut La mauvaise chance. Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer le style des avant-propos anonymes avec ceux qui sont signés "Philippe Géry". Après l'essor des séries policières nées dans les années trente : Le point d'interrogation (Laffitte), Le masque (Librairie des Champs-Elysées), A ne pas lire la nuit (Les éditions de France), Le scarabée d'or (Gallimard), L'empreinte (La nouvelle revue critique), etc., La mauvaise chance partagea le sort des nombreuses collection qui naquirent au lendemain de la libération : Le labyrinthe (S.E.P.E.), Le limier (Albin Michel), L'énigme (Hachette), Le cachet (Editions de Trévise), La tour de Londres (Nicholson & Watson), La chouette (Ditis), Les aventures du Saint et L'homme aux orchidées (Arthème Fayard), etc., et qui disparurent au profit de la Série Noire (Gallimard) et de Un mystère (Presses de la Cité). C'est le 15 mai 1945 que fut publié A.X 12, par Jean des Brosses, numéro 1 de la collection qui fut d'abord hébergée par les éditions Athéna, 68, rue Jean-Jacques Rousseau et diffusé par les éditions France-Empire, à Lyon ; puis par Le Portulan, domicilié 9, rue Auber, ensuite 140, boulevard Saint-Germain et enfin 14 bis, rue Mouton-Duvernet. Au début de 1950, les ouvrages deviennent cartonnés, deux sous-séries sont créées : L'empreinte (qui ressuscite ainsi) et Slim. La collection disparaît au second semestre de 1950 après avoir publié, en dehors des romans de Falk, plusieurs ouvres marquantes : deux romans du classique Anthony Berkeley, cinq du débutant Thomas Narcejac, les très célèbres Le procès Bellamy, de F.-N. Hart, Ta tante a tué, de Pat Mc Gerr, et Danger intime, de Maurice-Bernard Endrèbe qui signe aussi la traduction des romans de langue anglaise publiés dans la collection. Dès le numéro 2 de la collection (F2), l'éditeur déclare, en quatrième de couverture :
A partir du numéro 7, la quatrième de couverture précise :
On notera que F1 et F3 sont affectés d'une "bande rouge", F2, F4 et F5 d'une "bande bleue" et l'éditeur (très probablement Philipe Géry) complète ainsi la spécification de cette nomenclature chromatique :
Pour conforter la thèse suivant laquelle "Falk" serait un pseudonyme (et expliquer le choix de ce pseudonyme), Walter Henry m'a fait observer qu'il existe une longue nouvelle de Joseph Conrad dont le titre est précisément "Falk" [7] . Mais l'argument décisif nous est évidemment fourni par la parution, en février 1958 - dix ans après la publication de F5, le dernier "Falk" - d'un roman signé "Philippe Géry", cette fois (nous le désignerons par G), intitulé : Un prince d'autrefois (Notice BNF n° FRBNF32090828). Le livre fut publié par les "éditions du gerfaut", 9 rue Lobineau, Paris 6e, dans la collection "chut ! ESPIONNAGE " mais ne bénéficia pas d'une grande diffusion. Cet ultime roman, qui obéit aux contraintes particulières du roman d'espionnage de cette époque (celle de la guerre froide), présente cependant des caractéristiques thématiques et stylistiques voisines de celles que l'on peut discerner chez Falk.
Une analyse, même sommaire, de F1, F2, F3, F4, F5 et G permet de préciser les similitudes et les différences entre ces ouvres selon les divers aspects de la narration : forme du récit et identification du ou des narrateurs, localisation de l'action dans l'espace et dans le temps (référentiels), déroulement de l'intrigue (actants et circonstants). F1 : On a tué pendant l'escale Référentiels. Un port au climat tropical (Djibouti, Dakar ?), un bar où l'on boit de l'alcool glacé, une chambre dans un hôtel sordide, le port et ses quais où accostent les long-courriers qui rejoignent l'Europe. Action. Les personnages ne sont désignés que par leur "fonction" (l'Honorable Commerçant, le Docteur, le Professeur, le Commissaire, le Journaliste - qui est aussi le narrateur). Seule Lotte, "belle, inquiétante et lointaine" (autrichienne, sans doute ; une chanson, en allemand, lui revient aux lèvres, chapitre viii), et la victime, R.-S. Perceval, expert en timbres-postes, sont nommés. Le commissaire, adipeux et rabâcheur ("deux et deux font quatre"), suspecte tour à tour ces acteurs en dénouant les fils d'une intrigue complexe. F2: L'homme m'a racontéRéférentiels. Une taverne où l'on boit de la bière et de l'alcool de grain dans un port où un "homme du Sud" (narrateur "interne") raconte son histoire ; un autre port, plus au Nord (Hambourg ?), où le crime est commis et dans ce port une chambre d'hôtel, le bureau du Policier, la prison. Parmi ses auditeurs, un jeune homme qui cherche un enrôlement à bord d'un long-courrier est le narrateur "externe" (le coupable ?). Action. Le narrateur interne, ici, semble être encore un journaliste. Les protagonistes : Stefan, Hugo, Petra (Peterlein) sont successivement soupçonnés par le Policier, pour l'assassinat du Mort (qui demeure anonyme). L'intrigue se développe dans le cadre de ces combats fratricides qui se déroulèrent dans l'Allemagne dans l'immédiat après guerre (1918). La solution, encore une fois, est pour le Policier, "dérisoirement simple". F3 : Nous, les assassinsRéférentiels. Un fortin dans le désert (Sahara ?), un bar dans un port où les long-courriers font escale. Action. Plusieurs points de vue se succèdent et reviennent dans le texte : ceux d'un narrateur omniscient (quelques pages de début et de fin), du rédacteur d'un "cahier noir", de l'auteur de "quatre lettres sans signatures", et d'un commissaire qui "parle devant un verre d'anis et d'eau glacée". Les protagonistes : Walter, Nicolas, Pietre, Felipe, Hugo (le "je" du cahier noir), le commissaire, impliqués dans un meurtre (celui de Walter). D'autres personnages sont évoqués : deux femmes, Peterlein (ou Schwesterlein) et Annelies, et, dans le bar où le commissaire donne la clef de l'énigme (une solution "à la Conan Doyle"), on rencontre "une jeune femme allongée dans un transatlantique" et un homme qui attend le départ du long-courrier. A plusieurs reprises la "ballade du gibet" (une chanson allemande) est évoquée. On y parle d'un "pendu sans importance". F4 : Les corbeaux croassent sur la villeRéférentiels. Dans le quartier Nord d'une ville (allemande ?), le quartier des "maisons mortes", la "maison du canal" : les chambres, le réfectoire, la "maison d'en face". Le narrateur rédige son récit "dans une ville du Sud, au creux des montagnes" (la Bavière ?). Action. Avec le narrateur, Manuela, à qui il écrit, et la "demoiselle" (peut-être l'héroïne de F1, Lotte), les protagonistes sont : Loïk, Majoran, Wolfram (monsieur Schulte) et Helmuth (la victime). L'énigme est résolue par le policier, ce "gros homme aux yeux larmoyants". Dans la chambre du crime, il trouve un fragment de journal, un article évoquant "l'exécution d'un ancien membre du corps-franc de la Baltique". F5 : Des pendus de peu d'importanceRéférentiels. Un cargo, la Lena Laud, le plan du bateau (passerelle, carré, gaillards, etc.) et la liste d'équipage ; puis le Duc de Gueldre, un cargo qui vient reconnaître l'épave du Lena Laud et son équipage. Action. Après une introduction qui évoque explicitement la fin de F2 (« Demain ils partiront »), le récit, divisé en trois parties (Pourquoi il y eut une histoire, L'histoire, Toute histoire a une fin), propose des extraits du "Livre de bord" (une jeune femme, Lenore Böttcher, a été trouvé pendue au mât de misaine). L'enquête, conduite par le commandant Jörg Jerdermann (équivalent allemand de l'italien "uomo qualunque") met en cause successivement les officiers Philippe Somst et Peter Mon , le marin Bernhardt Endrew et le passager Hans Martin. Mais un typhon a raison de l'équipage et les papiers trouvés sur l'épave par les marins du Duc de Gueldre ne lèvent pas les doutes qui subsistent. G : Un prince d'autrefois Référentiels. Bar-le-Duc : l'Ornan, le Belvédère, la place Saint-Pierre, l'église Saint-Etienne, la gare, la forêt de Haye, la voie de chemin de fer ; Nancy, la place Stanislas, le Musée, la gare. Action. Les protagonistes, ici encore, sont en petit nombre : Marcelle Bonjean, qui habite Place Saint-Pierre et est étudiante à Nancy et militante communiste, amoureuse du faux américain Ewart Law Duisbourg ; le baron Thomas de la Neuville, son amie Juliette Courtes ; le "commandant" et son compagnon (S.D.E.C. ?) ; Yves Lescop (l'homme au blouson de cuir), le "représentant de la fabrique de confitures Jean-Marie Perrin"et Serge, le peintre. Un attentat se prépare contre un convoi transportant une arme nucléaire qui doit être installée en Allemagne de l'Ouest. Le convoi doit traverser Bar-le-Duc et fait l'objet de l'attention de plusieurs groupes rivaux : services secrets français, soviétique et peut-être américain. Plusieurs agents sont liquidés, au cours de l'histoire, sans que l'affiliation des uns et des autres soit clairement établie. Certains ont une motivation idéologique, d'autres sentimentale ; plusieurs ne sont que des passants de hasard. Contrairement aux romans de Falk, celui-ci est situé en France, et même dans un décor très précisément situé et à une période assez facile à déterminer (le milieu des années cinquante). Mais de nombreux détails permettent de procéder à l'identification de Falk avec son "traducteur" Géry : l'homme au blouson de cuir de Géry ressemble beaucoup au commissaire de Falk ; son « simple comme bonjour » est un écho du « deux et deux font quatre » du commissaire, etc.. On notera surtout comme, comme pour la plusieurs Falk, Un prince d'autrefois est précédé d'un avertissement signé "Ph. G." et d'un exergue poétique (mais ici Charles Péguy remplace Hölderlin). et le roman s'achève sur l'évocation d'une chanson du folklore (français, cette fois !) : « La belle si tu voulais. ». Pour compléter, j'évoque ici maintenant trois auteurs qui ont peut-être influencé notre écrivain double "Falk" - "Géry" : Joseph Conrad : Falk (cf. note 7 : la traduction française paraît en 1934) Référentiels. Dans une auberge au bord de la Tamise, un homme raconte une histoire de son passé située dans "la capitale d'un royaume d'Extrême-Orient" (Bangkok ?). Quatre navires, celui du narrateur et la Diane, le remorqueur qui leur permet de sortir du port et, dans un passé encore plus ancien, un vapeur désemparé, un vaisseau fantôme où une scène d'anthropophagie s'est déroulée. Action. Le narrateur est le commandant d'un navire mouillé en face du Diane. Hermann est le capitaine de ce cargo où il vit avec sa femme, et leur très belle nièce. Le capitaine Falk, un géant tourmenté et violent, commandant du remorqueur, est amoureux de cette jeune fille mais n'ose se déclarer. Georges Simenon : 45° à l'ombre (Gallimard, 1936) Référentiels. Un paquebot, l'aquitaine, sur le chemin du retour, de Matadi à Bordeaux ; des escales à Pointe-Noire, Poty-Gentil, Libreville, etc. La salle à manger, le bar, les cabines, les ponts. Action : Le personnage central est Donadieu, médecin du bord. Il joue au conciliateur (« à Dieu le père » pense-t-il) au milieu de l'équipage, des immigrants chinois et d'un groupe disparate de passagers français : le comptable Jacques Huret, un raté très Simenonien, sa femme et leur bébé souffreteux, la nymphomane Mme Dassonville, le richissime, gras et antipathique Lachaux. Marguerite Yourcenar : Le coup de grâce (Gallimard, 1939) Référentiels. Kratovicé, en Courlande, près de la frontière (polonaise ?) ; divers théâtres de combat menés par les corps francs de la Baltique (1917-1920) contre les troupes "bolcheviques" ; la communauté juive de Lilienkom. Action : Les protagonistes : Eric, le narrateur et ses amis, Conrad et sa sour Sophie, au milieu des combats sans merci, une violente histoire d'amours inaccomplies. Autour d'eux des combattants, des victimes : Chopin, Volkmar, le communiste (juif) Loew et sa mère.
Au début des années soixante-dix les éditions Julliard, qui, à l'initiative de Jean Bourdier et Maurice-Bernard Endrèbe, ont créé la collection Les policiers de chez Julliard qu'ils présentent ainsi, sur les quatrièmes de couverture :
On reconnaît là les options de La mauvaise chance : la présence de Maurice-Bernard Endrèbe est manifeste. La collection propose d'ailleurs des rééditions d'auteurs classiques : Charlotte Armstrong (dont Claude Chabrol adaptera Et merci pour le chocolat), Josephine Tey, John Dickson Carr, etc. On y retrouve aussi Pat Mc Gerr (n° 35 dans La mauvaise chance),.et Franz-Rudolph Falk, avec la réédition de F1 : On a tué pendant l'escale, qui était épuisé depuis longtemps [8] . Mais Jean Bourdier fait précéder le texte d'une préface dont la lecture fut un choc pour beaucoup ! Il rappelle tout d'abord sa fascination d'adolescent pour les romans de Falk, précise que La mauvaise chance avait été fondée en 1945 par Jean Renon, ancien directeur de l'Echo des Etudiants de Montpellier, et apporte surtout cette révélation :
Analysant alors les romans de Falk et le travail du « traducteur », Philippe Géry, il ajoute :
A l'exception du cas « Charondas », les problèmes d'attribution liés à Philippe de Clinchamps semblent ainsi résolus. Mais d'autre surgissent lorsqu'on examine les ouvrages évoqués par Bourdier et qui sont signés "Philippe du Puy de Clinchamps" : CN : L'ancienne noblesse française en
1955 (signé simplement Philippe du Puy) C1 : La noblesse C2 : La chevalerie C3 : Le snobisme C4 : Les grandes dynasties C5 :
Le royalisme CL : Un fer de reliure aux armes des familles Du Puy-Ardennes (extrait de Le Pays Lorrain), Editions Berger-Levrault, 1969 (Notice BNF n° FRBNF32269910) CG : Les Châteaux de la Loire que j'aime (Monographie consacrée aux châteaux de la Loire, présentés par Maurice Genevoix, légendés par Bernard Willerwal, racontés par Philippe Du Puy de Clinchamps, photographiés par L. Pelissier), Editions Sun, 1969 (Notice BNF n° FRBNF35249927) Le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France contient aussi la notice CM : Les
élections présidentielles de 1965 et les quotidiens de Paris Tous ces ouvrages traduisent l'intérêt de leur auteur pour les problèmes de la noblesse. En raison des très vives controverses qui s'élevaient sur ces questions, les auteurs publiaient sous pseudonyme. C'est ainsi que l'un des animateurs de l'Intermédiaire des chercheurs et des curieux, qui signait Régis Valette, était un diplomate de rang élevé. Philippe de Clinchamps lui-même se servit à nouveau d'un pseudonyme, Antoine Bouch, qu'il avait utilisé pour ses débuts de journaliste, notamment dans Le Monde (et qui apparaît comme tel, au début des cinq Que sais-je ?, dans la liste des ouvrages du même auteur). Il publia ainsi : RG :
Pour un tombeau de Jean Giraudoux (dessin de
Raymond Pages) RM :
Montherlant, bourgeois ou gentilhomme de lettres ? La BNF propose aussi la notice suivante, associée au nom d'Antoine Bouch : RC :
C. et C. Chercheurs et curieux. Mensuel de questions et réponses
historiques, littéraires, artistiques et sur toutes autres curiosités. Dès sa renaissance, en 1951, il était prévu que l'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux publierait des tables décennales, ce qui fut effectivement réalisé. Après la mort accidentelle du fondateur, le flambeau fut repris par son fils et la troisième table décennale (1971-1980), publiée en 1984 (numéro 357 bis de RC), s'ouvre sur une longue prÉface de "Régis Valette" qui contient une abondante moisson d'informations inédites. On découvre ainsi le rôle d'André-Marie Gérard dans la carrière journalistique de Philippe de Clinchamps ainsi que son recours à de nouveaux pseudonymes ("Jérôme Mansart" et "Philippe Géry" dans Guérir, "M. Bourgogne" dans Tout savoir). On mesure aussi l'importance du travail accompli à ses côtés par sa femme Anne-Marie et par d'autres amis. C'est l'époque des Cahiers nobles (dont R2 n'était qu'une anticipation), en particulier des cahiers signés "Charondas" qui agitèrent le monde du Jockey-Club et des faux nobles pendant plusieurs années. Et c'est en allant consulter, aux archives d'Epinal, les documents qui lui étaient nécessaires, en tant que responsable des Cahiers, dans un procès que lui faisait un faux noble lorrain, que Philippe de Clinchamps trouva la mort au volant de sa voiture. Dans son texte très riche en documents comme en émotion, Régis Valette développe plus particulièrement les thèmes qui lui tiennent à cour, ceux qui touchent aux problèmes de la noblesse. Il évoque aussi les connaissances encyclopédiques de son ami et passe rapidement sur l'ouvre littéraire. Il mentionne pourtant deux textes ultimes de Philippe de Clinchamps, textes signés d'un nouveau pseudonyme et, à mes yeux, essentiels.
En octobre 1970 paraît un petit livre publié par Alain Favrou "pour un amateur", premier numéro d'une série baptisée ALSO. Il a pour titre Amères
et le
signataire en est "Anselme Pothier" (Notice
BNF n° FRBNF35143166). J'en reproduis
ci-dessous la première page :
Mais pourquoi Anselme Pothier et qui est ce "je" se jouant de l'ordre alphabétique ? A côté des documents intitulés Liste de notices ou Notice complète, le catalogue de la BNF contient des fiches de type Personne (fiches "autorité"). Celle qui est consacrée à "Philippe Du Puy de Clinchamps" (Notice BNF n° FRBNF11900727) associe correctement l'auteur à trois hétéronymes : "Philippe de Clinchamps", "Philippe Géry" et "Franz-Rudolph Falk", mais elle ignore "Antoine Rouch" (pourtant attesté dans les Que sais-je ?), ainsi qu'"Anthelme Pothier" (identifié par Régis Valette dans sa préface citée plus haut). Ils figurent pourtant tous deux dans le catalogue ce qui n'est pas le cas, par contre, du numéro II de la collection ALSO, intitulé Portuaire, qui était sous presse lorsque Philippe de Clinchamps disparut et fut achevé d'imprimer à la demande de sa famille, mais ne fut pas envoyé au Dépôt Légal. Amères et Portuaire n'ont sans doute pas l'exceptionnelle qualité des cinq romans de Falk, mais ils ne sont pas non plus des ouvres de commande. Ils constituent, par le fait d'un hasard tragique, une sorte de testament littéraire, deux pièces qui complètent le puzzle patronymique et culturel que Philippe Du Puy de Clinchamps avait progressivement construit. Ils assurent ainsi la cohérence d'une ouvre et d'une personne. Amères trahit (y compris dans l'horreur de la "réflexion"
234) [9] , un désarroi profond que la foi,
souvent réaffirmée (numéros 4, 12, 35, 38,
51, 101, 122, 166, 173, 215,
224, 243) n'exorcise pas. Mais on y découvre, illustrant
le thème d'une sorte d'éternel retour (numéros 7, 17),
l'écho de thèmes anciens, "Falkiens" :
Portuaire : Ce texte, achevé d'imprimer en septembre 1971, comprend six courts récits, précédés d'un avant-propos où l'on peut lire :
Chacun de ces récits est situé dans un port (flamand , hollandais, allemand ?) où se joue un drame étrange ou sordide entre des personnages aux noms étrangers (allemand, néerlandais, norvégien, brésilien) : Joào Faria, Jérémie van Soij, Anna Hamerlein, Kathy-la-Rouge, Jochen Hoos, etc.. cependant que l'alcool (rhum blanc, genièvre) coule à flots. Le dernier texte est intitulé Et la boucle est close d'un cercle parfait. Cette boucle pourrait bien marquer l'achèvement et montrer la cohérence d'une ouvre littéraire disparate : - Tous les textes se terminent par un poème dont le style fait songer à Pierre Mac Orlan (un ami de Philippe de Clichamps qui lui rendait souvent visite à Sain-Cyr-sur-Morin) et où est évoquée Hannelore, un prénom allemand comme on en rencontre dans les "Falk". - Dans le troisième récit : Au moment historique où les couteaux s'égarent, se dessine la silhouette d'un cargo, la Léna Laude, commandé par. le "capitaine Falk". - Dans le suivant, Douze coups de rouge à minuit, on rencontre un "gros policier" qui ressemble comme un frère au, commissaire de On a tué pendant l'escale. - En exergue à l'avant-propos figure un poème, un "quatrain perdu" :
et ce quatrain figure, assez curieusement, dans le chapitre IV : Un snob exemplaire, du Que sais-je ? présenté en C3. Ainsi Pothier, Falk et Clinchamps se rejoignent presque ouvertement. Et c'est le goût - ou le dégoût - de la mort qui donne à ce dernier ouvrage son unité, comme en écho à l'inquiétante prémonitoire d'Amères, l'ultime "réflexion" : 251 Je reprends goût à la mort.
Le titre de cette dernière section est évidemment emprunté à Proust (Du côté de chez Swann, troisième partie) avec la légère modification qui consiste à mettre le premier "nom" au pluriel. Car dans le jeu des substitutions de noms d'auteur, un jeu que tant d'écrivains ont pratiqué, celui qui nous intéresse ici se caractérise par une exploitation systématique de la translation toponyme –› patronyme. A l'origine même du patronyme "Clinchamps" se trouve en effet le lieu "Clinchamp" (Haute-Marne). "Géry" et "Bouch" sont également des noms de fiefs, précise Régis Valette dans son essai biographique (tout comme "Valette", d'ailleurs, qu'il déclare être aussi un pseudonyme) : les noms de pays deviennent noms de personne(s). L'association d'un nom de famille et d'un nom de lieu est bien naturelle pour qui s'investit dans les études nobiliaires comme le fit Philippe de Clinchamps à partir de 1950 (et sans doute avant cette date) [10] . La permanence du lieu permet de réduire les aléas de la génétique en assurant un ancrage solide dans l'histoire. Ceci explique la violence des passions soulevées par les recherches de ce type ainsi que les controverses qui surgirent autour des Cahiers nobles, controverses dont la dernière, accidentellement, fut mortelle. Je suis enclin à effectuer un rapprochement de tels travaux à la rigueur exigeante, scientifique (l'A.N.F. gère une "commission des preuves" pour certifier les titres de noblesse), d'une activité en apparence fort éloignée, celle du Collège de 'Pataphysique avec ses hiérarchies : "Optimates", "Commissions", "Chaires", etc.. On sait que la 'Pataphysique fut initiée par Alfred Jarry, lui-même passionné d'héraldique. Autre coïncidence : Les très riches heures du Collège de 'Pataphysique, ouvrage de référence publié à l'occasion de la désoccultation du Collège, sont parues chez Fayard, l'éditeur à qui Philippe de Clinchamps avait promis son grand ouvrage sur La Noblesse. On notera aussi que, dans l'index biographique, les dates de naissance des pataphysiciens sont précisément les dates d'admission au Collège. Le Collège publie, lui aussi, des recherches érudites à propos de questions que beaucoup trouveraient insignifiantes (on doit citer ici le grand travail de Latis, signé "Le phytographe", sur l'étymologie des Cactacées, travail intitulé Linguistique : étude de la formation d'un langage botanique [11] ). Et tout comme les rédacteurs des Cahiers nobles (et en premier lieu leur rédacteur en chef), les pataphysiciens publient souvent sous pseudonyme, Latis plus que les autres (plus que Falk, peut-être). Il n'est pas sans intérêt de noter ici le développement récent d'une discipline, la "cladistique" qui étudie et rapproche des systèmes de classification les plus variés : taxonomie des espèces vivantes, lexicologie diachronique, génétique des textes, généalogie. Un lieu de rencontre inattendu pour "Falk" et "Latis" ! Mais, plus que Latis, sans doute, et moins que Fernando Pessoa, bien sûr, Philippe de Clinchamps est un créateur d'"hétéronymes". Car, selon le poète portugais [12] : L'ouvre pseudonyme est celle de l'auteur "en propre personne", moins la signature de son nom ; l'ouvre hétéronyme est celle de l'auteur "hors de sa personne" ; elle est celle d'une individualité totalement fabriquée par lui, comme le seraient les répliques d'un personnage issu d'une pièce de théâtre quelconque écrite de sa main. Or on peut en effet identifie, en effet, parmi les hétéronymes de Clinchamps, plusieurs auteurs bien distincts (ou plutôt plusieurs groupes d'auteurs) : - "Falk", "Géry" et "Pothier" ont écrit des romans (des nouvelles pour le dernier d'entre eux). Ces récits évoquent des lieux, des moments sombres et troublants, parfois malsains, où l'alcool et la mort sont partout présents : une atmosphère souvent germanique ou nordique. On songe à Yourcenar, à von Salomon, mais aussi à Simenon. La référence aux "Corps francs de la Baltique" est celle d'un passé violent, contre-révolutionnaire, mais essentiellement païen. - "Clinchamps" et "Bouch" ont construit une ouvre assez encyclopédique, mais qui était le plus souvent de nature historique, voire généalogique. Le style, ici, est plus froid, plus détaché, parfois ironique. L'engagement politique est plutôt celui d'un monarchiste "moderne" : Action Française et comte de Paris. Mais la foi catholique est également présente et traditionaliste. - Un autre groupe est celui des journalistes (Radio Tunis, Le Monde, L'Aurore) et animateurs de revues : "Mansart", "Géry", "Bourgogne". Quand on lit L'homme m'a raconté, on peut vraiment se demander qui est le narrateur et qui le narrataire. Mais faut-il une réponse à cette question ? D'ailleurs Falk - comme Simenon - laisse souvent des questions en suspens, dans ses romans. L'être humain aux multiples visages qui s'adresse à nous possède sans doute une âme également multiple, qui admire les soldats perdus, heimatlos, de la Baltique mais aussi l'étudiante révolutionnaire de Bar-le-Duc ; celui qui est solidaire des grévistes de l'ORTF, en 68, et qui choisit Me Tixier-Vignancourt comme avocat lorsqu'il est licencié ; celui qui n'a jamais explicitement précisé la véritable identité de Falk mais qui avait dans sa chambre un portrait, dû à Raymond Pagès, d'Anne-Marie de Clinchamps, son épouse : un portrait en pied où elle saisit une livre, un roman de Franz-Rudolph Falk ! La vie de "Clinchamps
l'écrivain - les écrivains", c'est donc un "roman de romans"
comme l'imaginait peut-être Ramon Gomez de la Serna (ou, plus récemment,
Sarane Alexandrian [13] ), une de ces mystifications dont la nature elle-même donne
souvent, selon Vladimir Nabokov, l'exemple. Post-Scriptum J'avais transmis mon manuscrit (et même une seconde version corrigée et complétée) aux éditeurs de Formules, lorsqu'en cherchant à libérer un peu de place dans un rayonnage de ma bibliothèque j'ai découvert un document que j'avais acquis chez un bouquiniste à la fin des années 80 - car je méditais d'écrire un essai sur Falk depuis la réédition de F1 avec la préface de Bourdier - mais n'avais pas lu à l'époque : le cahier "hors-série n°1" de la revue Les amis du crime, publié en octobre 1985 et présenté par François Naudin, cahier entièrement rédigé par H.Y.Mermet et intitulé : l'ouvre policière de ph.de clinchamps - f.r.falk - ph.gery. Je m'y suis aussitôt plongé et me suis alors aperçu que le travail considérable de H.Y.Mermet (25 pages 21x29,7 très denses) comportait une analyse thématique et stylistique très complète des ouvres du triple auteur, bien plus complète que la mienne, ainsi qu'un certain nombre d'informations que j'ignorais. En voici la table des matières :
Consterné par négligence et ma distraction, j'étais décidé à m'en remettre à "la critique rongeuse des souris" lorsque je me suis aperçu que ce remarquable article n'avait été tiré qu'à 100 exemplaires et n'avait donc pu être lu que par quelques amateurs. De plus, en lisant le texte, il m'a semblé que ma contribution apportait quelques utiles compléments à celui de Mermet, et ceci tant amont qu'en aval : - en amont, on peut citer la problématique de l'hétéronymie et le choix des hétéronymes - en aval, les textes de Pothier parus en 1971 (mais demeurés confidentiels). Il semble que Mermet n'ait pas eu connaissance de la préface de Régis Valette citée plus haut. Par contre il a découvert l'existence d'un jeu très intéressant de citations-évocations croisées entre Philippe de Clinchamps et Maurice-Bernard Endrèbe : un certain Bernahart Endrew apparaît en effet dans F5, tandis que dans La vielle dame sans merci, un personnage, Louise Lalanne, demande à l'auteur (M.-B. E.) des renseignements sur Ph. de Cl. Un autre personnage récurrent, Patrice Géron (P.G. !), apparaît dans cinq autres romans du même auteur sous des traits et avec des intérêts qui sont apparemment ceux de Ph. de Cl. : . une sorte de géant. une carrure massive surmontée d'un visage épanoui, de lunettes malicieuses et d'une mèche rebelle. Théâtre, cinéma, littérature, quelques romans policiers impressionnistes qu'il prétend traduire de l'allemand, voilà les domaines où Géron exerce son activité et, étant l'homme qu'il est, il a dû s'y faire de solides inimitiés. Mermet évoque aussi Henri David, un auteur
de la collection Le masque où il publia le n° 367 (Jeux
de plomb), qui eut le Grand prix du roman d'aventures en 1949
et le n° 454 (Avec du tapioca, 1954). Ici c'est le héros commun
aux deux ouvrages, le Dr Lobau, qui emprunte la personnalité :
aspect physique et intérêts de Ph. de Cl.
[14] Je tiens à remercier Maurice-Bernard Endrèbe, Walter Henry et Claude Rameil pour l'aide qu'ils m'ont apportée dans la préparation de cet essai. Il est clair que la contribution de Patrice de Clinchamps, le fils de Philippe, a été essentielle. Les erreurs qui subsisteraient seraient évidemment les miennes.
NOTES [1] Les
cahier d'André Walter, Didier-Perrin, 1891. [2] Poèmes par un riche amateur, ou Ouvres françaises de M. Barnabooth, Ed. . Messein, 1908. Le livre de M. Barnabooth, Prose et vers (publié à compte d'auteur). [3] J'irai cracher sur vos tombes, 1946. [4] On est toujours trop bon avec les femmes 1947 [5] Certains, tel Henri Thomas, leur associent Emmanuel Peillet. [6] USH$R, 1989 (avec une préface de Michel Arrivé). [7] Achevée en mai 1901 par Conrad et publiée pour la première fois en 1902 dans sa version originale, elle donne son titre au recueil de nouvelles dont la traduction française est de G. Jean-Aubry (qui est aussi l'auteur de la préface) et qui parut chez Gallimard en 1935. [8] Ce trente-troisième volume de la collection PJ fut publié le 1er février 1973. Une nouvelle édition, dans la collection J'ai Lu, parut en 1984. Elle fut suivie, en 1986, par la réalisation d'un film de Michel Deville, curieusement intitulé Le paltoquet, film baroque servi par d'excellents comédiens (Fanny Ardant, Claude Piéplu, Richard Bohringer, Jean Yanne) mais d'où l'atmosphère "Falk" était absente. [9] Lorsque j'ai eu vingt ans j'étais engagé dans la lutte antifasciste aux côtés de Jacques Baudry et de nos camarades du Lycée Buffon. La réflexion 199 demandait d'ailleurs : « Pourquoi n'ai-je jamais eu vingt ans ? » [10] "Anselme Pothier" est le nom d'un ancêtre, dans la branche maternelle, de Philippe de Clinchamps (à la septième génération a vérifié son fils Patrice). [11] Subsidia Pataphysica n°2, tatane 93 (février 1966 vulg.), p.23. [12] Sur les hétéronymes, Editions Unes, 1985 (le texte de Pessoa a été publié dans la revue Presença en 1928). [13] Soixante sujets de romans au goût du jour et de la nuit, Fayard, 2000. [14] H.Y. Mermet, loc. cit., p.3. |
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Paul Braffort © 2002 |